…et bonne année !
Histoire de rester dans le ton de ma précédente note, j’aurais pu vous pondre un truc bien déprimant sur les petits africains qui crèvent la dalle pendant que nous refusons une quatrième part de foie gras devant mamie qui insiste pour ne pas laisser de restes (tu comprends, ma chérie, ce serait gâché).
Sauf que comme je suis une connasse, je suis également et par définition égocentriste, cette note ô combien festive portera donc mon merveilleux séjour dans la cambrousse beaujolaise pour ce qui fut ma BA de l’année – à la réflexion, je pense que je suis même tranquille pour deux ans, après ce que je viens de subir.
Mais plantons d’abord le décor : grand-mère toute seule depuis la mort du patriarche cet été, toute la famille décide d’un commun accord de venir en masse pour les fêtes. Ca part d’un bon sentiment, mais je sais déjà que j’ai bien fait de prendre mon billet de retour pour avant le grand débarquement, question de survie élémentaire – et d’habitude, quand on connaît ma famille.
Bref. Arrivée le 25 en fin d’après-midi, il fait déjà nuit, la campagne est blanche de givre, mon portable ne capte plus, je me suis gelé le cul pendant cinq heures dans la bagnole (ma mère ayant tendance à s’endormir au volant quand il fait trop chaud – sic) et n’aspire plus qu’à me coller devant la cheminée avec un thé brûlant. Et là, premier coup de poignard dans le dos de ma sérénissime sérénité, voyez plutôt :
Ma mère, guillerette :
dites-moi, Belle-Maman, vous ne m’avez pas dit où nous allons dormir…
Mère-Grand, circonspecte :
eh bien, j’ai loué des chambres d’hôtes au village, seulement, il n’y en a pas
assez.
Et ma chère grand-mère d’expliquer que mes parents dormiraient au village, ainsi que mon oncle et ma tante, tandis que nous, les trois filles, dormirions sur place. OK, très bien, les chambres à l’étage conviendront parfaitement.
Mère-Grand, horrifiée : ah
mais non ! les chambres à l’étage sont pour Cousine n°1 et ses enfants, il
fait trop froid dans la vieille grange…
Ma mère : ah bon ? mais
où vont dormir les filles alors ?
Mère-Grand, avec un petit sourire
d’excuse : eh bien, je fais chauffer la grange depuis 15 jours,
justement…les filles pourront s’en accommoder, elle sont solides…mais ne vous
inquiétez pas : s’il y a des serpents, ils ne sont pas là où elles
dormiront, par contre aux toilettes il faudra se méfier…
(dois-je vous rappeler que ma sœur sort d’un cancer et que je souffre d’une maladie incurable ? apparemment il n’y a que mes parents qui s’en souviennent)
Ici, une petite explication s’impose : ce que nous appelons la grange est une immense et vielle bâtisse à côté de la maison principale, dont l’isolation est inexistante et qui n’est chauffée que par deux radiateurs électriques (un par étage) dont le rayon d’action se situe très précisément à quinze centimètres maximum autour des dits radiateurs. Or donc, stupéfaction générale et refroidissement de l’atmosphère auparavant enjouée et (presque) détendue. On va dire que c’est pour aller avec la température de notre « chambre », hein. Résultats de la première nuit : mes deux sœurs ont chopé la crève, quant à moi je me lave à l’eau froide le lendemain matin (pas assez d’eau dans le ballon, ballot). Accessoirement je suis toujours insomniaque, donc inutile d’essayer de me reposer (pourtant, dans le coin, y’a vraiment que ça à faire – heureusement que j’ai pris de quoi lire). Oh, je vous ai dit qu’on faisait de la buée avec notre souffle à l’intérieur de la grange ?
Bref, l’achat de chauffages d’appoint au supermarché le plus proche s’imposait comme une nécessité si nous ne voulions pas finir congelées. Ca aurait bien marché…si ça n’avait pas fait sauter les plombs : manifestement, entre le chauffage et l’éclairage, il fallait faire un choix, que le système électrique de la grange ne nous a pas donné, puisqu’il a fallu que j’aille remettre les plombs au bas mot dix fois avant que nous renoncions à la fois à l’éclairage (autant pour mes passionnantes lectures) et au chauffage. Oh, et bien sûr, comme les plombs étaient dans un autre bâtiment de la maison, j’ai moi aussi attrapé la crève lors de la deuxième nuit (en plus de manquer me vautrer dans les escaliers en étant obligée de sortir dans le noir). Joie.
Pour achever de nous rendre définitivement de bonne humeur, il faut également citer les reproches à peine voilés qu’on nous a faits, ma sœur et moi, pour partir si tôt dans la semaine – ben oui, apparemment un boulot d’interne à l’hôpital et un concours littéraire dans moins de quinze jours ne sont pas une excuse suffisante pour déserter les réunions familiales (dois-je également préciser que Cousine n°2 ne vient pas, malgré quinze jours de congés, et qu’elle, on ne lui reproche rien ? sans doute qu’être nouvellement responsable de la communication d’une grosse boîte internationale lui donne des passe-droit supplémentaires, je m’interroge). Notre départ anticipé aurait pu au moins valoir à notre petite sœur de bénéficier d’une chambre d’hôte chauffée, arguant du fait que la grange est le seul endroit assez grand pour accueillir les Marseillais, autre branche de la famille pas encore arrivée. Las ! la grange est trop froide pour les Marseillais, bien entendu – mais toujours bien assez bonne pour la petite, apparemment.
Allez, le coup de grâce : les cadeaux de ma chère Tante n°1, qui chaque année se surpasse dans le laid-et-inutile-de-préférence. Je me souviens encore avec émotion des macarons périmés de deux ans l’année de mes seize ans. Cette année : bougeoir en plastique moche de chez la famille Groseille (remember « La vie est un long fleuve tranquille ») pour moi, porte-torchons sorti de la décharge publique (le vernis qui s’écaille et les traces de moisissures en prime) et torchon-vache pour ma première sœur, bague-spermatozoïde pour ma deuxième sœur…
Y’a pas à dire, ça fait chaud au cœur de se sentir aimée comme ça !