J’inaugure…
…Puisqu’il en faut bien une pour commencer et que je suis la C.C.C, quoi, merde. J’ai un statut à tenir, non mais.
Bref…je vous avais dit que je vous ferais un post sur les mannequins trop maigres qu’on vire des défilés, eh bien vous l’avez, bande de petits veinards.
Or donc, pour nous remettre dans le contexte, si vous le voulez bien, je vais déjà vous rappeler les faits : Pour sa 44e édition, le défilé de haute-couture madrilène la Pasarela Cibeles a interdit de podium cinq mannequins jugées trop maigres. C’est à dire qu’elles étaient en-dessous du seuil de maigreur jugé dangereux pour la santé physique et psychique. Ceci, et c’est nouveau dans la mode, est une intervention du gouvernement madrilène, avec le concours de médecins de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) face à la menace grandissante de l’anorexie en Espagne, de plus en plus répandue (remercions tous en chœur le matraquage publicitaire et les magazines, alléluia).
Bon. En théorie c’est une bonne idée : après tout, ce n’est pas sain pour ces pauvres filles, et ça peut être une avancée dans les mentalités.
Ouais. Sauf que, évidemment, ça c’est la version qui arrange tout le monde. Et que si l’on se met à réfléchir deux secondes, on a d’abord envie de hurler de rire – jaune, certes – et ensuite, on est consterné.
D’abord, ce n’est pas une revanche pour les rondes, comme on pourrait le croire – non, parce que vous croyez vraiment qu’ils vont nous mettre des grosses sur les podiums ? Déjà qu’une fille « normale » (au sens de : qui entre dans les normes établies par les médecins, hein, me faites pas dire ce que j’ai pas dit), genre 1m65, 55/60kgs, faut pas rêver, alors le reste…Donc redescendez sur terre, mes agneaux, ce jour glorieux où monsieur et madame tout le monde pourront porter de la haute-couture n’est pas encore arrivé. Bon, en même temps c’est tant mieux pour notre portefeuille, hein.
Et si on va plus loin, on se rend compte que tout ceci n’est qu’une vaste farce, le tout noyé sous des tonnes d’hypocrisie et de bons sentiments (que même un film de Disney ça foutrait pas autant la gerbe). Parce que les mannequins au cul refait à l’aérographe (merci Toshop, merci !) dans les magazines, on les vire quand ? Les filles aux seins charcutés, au nez refait parce qu’il y a une-petite-bosse-là, on en fait quoi ? Les gamines de quatorze ans en pleine croissance à qui on dit « va falloir faire un petit séjour en clinique, ma grande, si tu veux devenir une star » ?
On vire cinq mannequins trop maigres d’un défilé, le tout à grands renforts de coups de pub minables ? Mais laissez-moi rire, ce n’est qu’un cache-misère devant le formatage uniformisé du corps féminin (et dans une moindre mesure, masculin – parce que oui, faut quand même encore s’appeler Sean Connery pour pouvoir avoir les cheveux blancs et être sexy, tsss).
Parce que si on réfléchit encore plus loin, finalement, ce n’est ni plus ni moins qu’une autre forme de discrimination. On te rejette parce que tu es trop grosse, on te rejette aussi maintenant parce que tu es trop maigre. T’as pas de seins ? Dommage pour toi, poulette, tu fais pas l’affaire, les brindilles c’est plus à la mode. Ah, t’as perdu cinq ans de ta vie à t’affamer et te ruiner la santé pour nous faire plaisir et correspondre à nos critères ? Désolé, hein, les lois du marché ont changé.
Allez, bienvenue dans le monde de la prostitution moderne et de l’uniformisation de masse, chérie.